Parenthèse confinée : Ariane de la Compagnie TURBUL
L’une des vocations de la Cité des Électriciens est d’accompagner designers, comédiens, danseurs et autres disciplines artistiques dans leur processus de création.
En cette période de parenthèse imposée, nous avons choisi de les mettre de nouveau en lumière.
Ils évoquent leurs façons de vivre le confinement, leurs doutes mais surtout leurs envies et espoirs pour « l’après »…
La situation actuelle vue "d'en haut" avec Ariane de la Compagnie TURBUL.
"Rompus au jeu d’improvisation en rue et sur échasses, ces utopistes tendres et tout terrain, comédiens, clowns, danseurs et musiciens entrent immanquablement en contact avec le public..." C'est ainsi qu'ils se présentent.
Nous les avions accueillis par deux fois, incarnant tantôt des Feuilles Enchantées, tantôt des Grandes Dames !
Photo : Michaël Blanquart pour la ville de Bruay-La-Buissière
- Ariane, en cette période de confinement, vous est-il possible de poursuivre votre activité ? Racontez-nous…
Comédienne que je suis, débordante d’émotions, en constante ébullition, je me suis demandé comment j’allais m’y prendre pour vous raconter mon confinement.
Il n’a rien d’héroïque, il commence par toutes ces dates qui s’annulent les unes après les autres. Déjà que ça n’allait pas bien fort depuis la crise de 2008 mais alors là, c’est le pompon.
J’accueille pourtant la perspective de temps libéré des tâches extérieures avec plaisir.
Je suis en création d’un nouveau personnage qui doit sortir au mois d’août prochain (festival d'Aurillac annulé), j’ai pris du retard sur le plan physique pour le spectacle de danse que je devais jouer le 16 mai (reporté au 12 septembre, pile-poil sur une autre date que j’avais déjà signée) et ainsi de suite, un vrai casse-tête.
Photo : Michaël Blanquart pour la Ville de Bruay-La-Buissière
Soutenir Greenpeace, signer des pétitions pour la planète, les soignants, les intermittents...
Cela ne me change pas tellement d’avant. J’ai toujours activé mes choix dans le sens de l’environnement, je me sens gardienne de cette terre. Je lui dois tant, lui suis si reconnaissante. Je n’ai jamais pensé que l’homme avait une supériorité sur le reste du vivant lui permettant de prendre tout et n’importe quoi, à tort et à travers. J’en suis indignée de façon quotidienne, c’est mon combat mais aussi mon leitmotiv, ma source d’inspiration.
Il y a tellement de bonnes initiatives, de belles actions, de belles créations, de belles entraides.
Avec la compagnie Turbul, les univers proposés sont reliés de façon omnisciente à la nature, aux 4 éléments, au monde végétal et animal. Nous ne ferons jamais rien d’aussi beau que la nature elle-même mais jouer une feuille d’arbre, ça parait fou et cependant c’est l’incarner, la comprendre, se mettre à sa place.
Quand mon comparse en "jeu public" raconte au spectateur que l’arbre se tenant devant lui est son propre géniteur, on est parti pour une séquence à la Klapisch, en mode « Un Air de famille ».
Photo : J.M. OCHOWIEC
Madeleine Rose, le personnage complètement tout terrain que je joue avec un plaisir jubilatoire dans les festivals, m’autorise tant de tendresse à l’égard du public, de clins d’œil, de gags que je n’aurai pas assez de ce qu’il me reste à vivre pour l’explorer. L’usage du langage visuel est un vrai bonheur : il est universel, généreux et très vivant. Ma spécialité ÊTRE CLOWN, c’est ce que j’affectionne au-delà de toutes les pratiques artistiques qui sont les miennes.
Les jours, puis les semaines, puis les mois passent... J’aime mon travail, je suis heureuse de l’exercer avec plus de calme, de sérénité, de temps et de recherche.
Le public me manque.
Quelle énergie répandre entre mes 4 murs ?
Car il s’agit bien de cela pour le spectacle vivant, il s’agit bien de l’Énergie, du souffle battant, de l’Élan vers l’autre, tous clés de voûte de notre métier. Notre beau métier.
Et sans vouloir faire du zèle, je garde un souvenir intarissable de la Cité des Électriciens de Bruay-La-Buissière après mon passage en Feuille Enchantée. Les expressions de surprise des visiteurs découvrant par ailleurs ces anciennes maisons de briques rénovées, le jardin. Je me rappelle l’émotion éprouvée par certains qui retrouvaient leur maison de naissance et d’enfance.
Le public du Nord est vraiment exceptionnel, c’est le meilleur.
Photo : J.M. OCHOWIEC
Déjà 20h ! La journée, pas vu passer. Je cours à la fenêtre, je claironne haut et fort, y mets toutes mes tripes surtout quand il pleut. Mon petit cor de chasse chiné à 2 balles au vide-greniers de mon quartier fait drôlement l’affaire. Très pratique pour rameuter les voisins. Les plus jeunes sortent flûtes, sifflets et casseroles, on s’y met tous en cœur portant au plus loin nos pensées vers nos guerriers, en première ligne.
Et voilà, une journée de plus envolée, la vie continue et elle est belle.
L’autre jour un ami me disait ; « Et nous autres, public ? Fervents adorateurs, accros aux festivals, aux théâtres, aux concerts... nous n'existons plus. On ne nous voit plus, on ne nous parle plus ?
Je l’ai écouté et ça m’a fait du bien.